Me vois-tu ? [Woo Min]

Tombé du lit. Tombé du lit ! Et pourtant il n’y avait personne pour le pousser en bas du matelas… eh oui, à part ceux de ses camarades de chambre, il n’avait pas entendu de ronflements sexy depuis des lustres. Tellement longtemps qu’il ne parvenait pas à y mettre une date. En fait, ce matin, suite à son rêve devenu habituel, celui où il revivait son accident, il avait fait un faux mouvement durant son sommeil et avait glissé du lit, entraînant avec lui sa couverture. S’écrasant lourdement au sol, il s’était réveillé de la façon la plus brutale possible, et par chance, n’avait pas tiré ses compagnons de leur repos, Après sa chute, Han Eul était resté durant plusieurs minutes face contre terre, le nez sous le tapis, à moitié brisé, et avait longuement pensé. Au sens qu’avait, qu’aura ou qu’a sa vie, à ce qu’elle allait être plus tard, avec ce cerveau défaillant… Sérieusement, très sérieusement, il s’était demandé à quoi allait ressembler son avenir alors qu’il ne parvenait pas à se gérer lui-même au présent. C’est un peu étrange d’avoir ce genre de pensées la tronche plaquée contre le sol, mais ça rabaissait encore un peu plus sa misérable existence alors il était plus apte à réfléchir. Le silence du début de matinée aidait aussi à avoir les idées un peu mieux rangées, il s’entendait parfaitement cogiter de tristes pensées et ça lui donnait la douce impression d’être seul au monde. Ou d’avoir atteint le paradis. Mais ça, ça impliquait sa mort, qui n’était pas encore arrivée. Ces temps-ci, il était en pleine déprime et c’était pas joli à voir. Il avait même pensé au suicide quelques fois, ces derniers temps. L’idée le séduisait de plus en plus, mais il savait qu’il n’en avait pas le droit, que c’était égoïste et que c’était stupide. Mais Bon Dieu que ça le sauverait de tout ça… Dangereusement, la question lui trottait en tête.
Hannie avait fini par se lever silencieusement, trébuchant sur une pile d’affaires appartenant à Chaiyo. Faillit, j’ai dis.
Il avait aussi observé que la pièce, qui ressemblait à Hiroshima suite à la bombe atomique, avait un aspect sérieusement négligé. À se demander comment trois garçons parvenaient à vire là-dedans sans devenir schizophrène… et il allait vraiment falloir agir, car Eulie craignait que la poussière ne soit nocive pour le malade. Souvent, Chaiyo toussait durant la nuit et bien qu’à présent l’amnésique se soit habitué, il se faisait beaucoup de soucis pour lui et il lui arrivait d’avoir peur de choses affreuses. En ce moment il avait peur tout le temps pour tout, à propos de lui ou des autres, de sa famille… comme si il n’avait pas déjà assez de problèmes personnels, il s’inquiétait pour tout le monde. Han Eul était fragilisé, autant physiquement que psychologiquement. Un peu trop à force. Mais craquer, il n’en avait pas le droit. Donc il refoulait tout, quitte à le regretter plus tard.

Une fois lavé, vêtu et plus ou moins prêt à démarrer ce samedi matin qui risquait d’être d’un ennui à mourir, il sortit de la pièce en enjambant les objets qui jonchaient le sol. Il y avait de tout, de la brosse à dents fichue au livre de cours, en passant par les chaussettes, les bouteilles en plastique et les téléphones éventrés toute batterie dehors… l’endroit se transformait peu à peu en début de poubelle, ce qui lui déplaisait fort. Ben oui, ce sont des étudiants, pas des employés de déchetterie…
La port refermée, son sac sur l’épaule et le cœur lourd de déprime, il décida vite fait de son itinéraire. Eulie voulait pouvoir travailler sans pour autant se trouver seul dans une salle. Donc l’endroit de l’université qui correspondait le mieux à ce qu’il voulait était le foyer. Ce lieu était toujours peuplé, même le matin, et n’aurait pas à souffrir du poids de la solitude. Bien sûr, le risque était que des gens qu’il ne souhaitait pas voir soient présents, mai sil savait rester discret comme une fourmi, alors il se débrouillerait bien pour rester invisible aux yeux de tous.
Il s’y dirigea donc la tête baissée.

Les quelques personnes qu’il croisa sur son chemins, il ne les vit qu’à peine. Quand on regarde le soi, on a la tête baissée, et avec la tête baissée on ne voit pas ce qui nous entoure. Logique. Baby Eulie n’a pas la capacité de voir presque tout autour de sa tête.
Arrivé, il resta quelques secondes à l’entrée, observant l’intérieur de la pièce. Elle était bondée, presque toutes les tables étaient occupées et un incroyable brouhaha résonnait contre les murs. Avec un soupir blasé, l’intello fit quelques pas incertains à allure très lente.
Vous savez, dans certains mangas, il y a des filles (la plupart du temps) qui vouent une admiration secrète à une autre personne sans que ce soit de l’amour pour autant… vous voyez de quoi je parle, non ? Eh bien Han Eul était une de ces filles… mais au masculin bien sûr x)
À l’université, il y avait beaucoup de garçons qui, aux yeux du bruns, avaient tout pour eux. Sociabilité, humour, charisme, beauté et une certaine popularité. Tout ce que lui n’avait pas. Oh, ne vous méprenez pas, il ne s’afissait pas de jalousie mal placée, Papy ne désirait pas être comme eux, mais il leur accordait toutes ces qualités. Bref, toute cette explication pour en venir à dire que le jeune homme admirait en quelques sortes un autre, qui, justement, était installé à la table à côté de celle où il venait de s’assoir. Franchement, il aurait bien préféré pouvoir se mettre ailleurs, mais c’était le seul endroit encore libre, alors bon, il n’avait pas eu le choix. Puis, Woo Min il ne devait même pas le connaître, ou plutôt ne devait pas se souvenir de son existence, alors il n’y avait pas vraiment de problèmes. J’ai dis que l’amnésique l’appréciait beaucoup, un peu comme si il était le modèle qu’il n’avait pourtant pas particulièrement envie de suivre, alors il ne pouvait pas s’empêcher de lui jeter de temps en temps un petit regard, tout en sortant ses affaires pour étudier.
Han Eul disposa ses livres bien en ordre sur la table, puis commença à potasser ses notes, faisant abstraction du bruit comme il le pouvait. Parfois il levait la tête, posait ses yeux sur lui durant quelques secondes, puis retournait à son boulot.