Un matin d'hiver, j'veux pas être seul [Na Yung ~]

Han Eul ouvrit un oeil. Un seul, car l'autre était profondément enfoui dans un oreiller qui sentait la lessive à la lavande. Et il ne voyait presque rien, ébloui par les premiers rayons du soleil qui filtraient à travers les rideaux plaqués contre la fenêtre, et il lui fallu quelques secondes avant de comprendre où il se trouvait. Dans sa chambre du dortoir, bien sûr, il n'était pas du genre à découcher et chaque soir il allait au lit à la même heure, réglé comme une montre. C'était un jeune homme habituellement ponctuel qui n'aimait pas trop faire attendre les autres aux rendez-vous, bien qu'il n'en ait pas souvent, et en fait... il était toujours à l'heure partout où il devait aller, qu'importe ce que c'était.
Un grognement croisé avec un ronflement le fit sursauter et il tourna la tête en direction du lit situé juste à côté du sien. Ses camarades de chambre semblaient déjà dormir, et il se demandait bien qu'elle heure il pouvait être. Après avoir émit un son digne de l'homme des caverne le mieux éduqué, il tendit la main en direction de sa montre, posée sur la petite table qui séparait son lit de celui de son colocataire et prit connaissance de l'heure. Ah d'accord, 10h38. Il était déjà tard, Papy Eulie n'avait pas l'habitude de se lever après 9h et il ne resta pas bien longtemps couché, faisant glisser sa couverture de ses épaules en se levant rapidement. Silencieusement, il parvint à prendre une douche et à enfiler des vêtements pris au bol dans ses tiroirs, puis il se rassit sur son lit. Avec un soupir, il sortit son cahier de mémoire de sous son lit, planque qu'il avait improvisée pour le cacher aux yeux de ses colocataires. Ses yeux traînèrent sur la page du jour précédent. Il ne se souvenait pas de ce qu'il y avait eu d'important la veille.


Il referma brutalement le cahier, honteux. Si maintenant il passait à la boulimie, il n'était pas sorti de l'auberge et il inquièterai encore plus son entourage, alors qu'il n'en avait pas le droit. Honte, culpabilité, honte, culpabilité... en ce moment même les deux sentiments se mêlaient l'un à l'autre et l'intello ne savait plus trop quoi penser, et commençait à se dire qu'il n'aurait pas dû lire ça maintenant, c'était vraiment commencer mal sa journée, c'était pas cool du tout. Comme un coup en plein coeur, je suis pire que je ne le pensais, non, je le savais. La culpabilité l'emporte sur la honte, et sentant ceci, Han Eul fourra l'objet de ses pensées dans son sac qu'il jeta sur son épaule avant de sortir en empoignant sa veste. Précautionneusement, il referma la porte pour ne réveiller personne et s'enfui dans le couloir qui s'offrait à lui, évitant les regards des quelques élèves qui s'étaient également levés d'assez bon matin après une semaine dure de cours. Lui aussi avait souffert durant ces cinq jours où il n'avait fait que bosser et bosser presque 24h/24h, et rien ne lui aurait été plus bénéfique qu'une plus longue nuit... sauf qu'il ne se l'était pas accordée et que maintenant qu'il marchait rapidement on-ne-sait-où, il n'allait pas la récupérer.

Han Eul ne savait pas trop où il voulait aller, mais en tout cas, pas question de pointer son nez dehors, il n'était pas fou, du moins n'en avait pas l'impression, et vu la température qu'il devait faire dehors, il n'avait pas envie de geler sur place. Donc bref, il décida de parcourir les couloirs de long en large pour trouver un endroit où il pourrait se poser et jouer un peu à la NDSi tranquillement. Il aurait pu le faire dans sa chambre, mais pour une raison inconnue il avait préféré s'exclipser. Et comme ça, il explorait un peu l'endroit, ce n'était pas plus mal.

Soudain, il s'arrêta devant une salle dont la porte était ouverte. Hésitant, il regarda à gauche, puis à droite, et, constatant que personne ne le regardait, il poussa ladite porte et pénétra dans la pièce, vide et blanche. Comme plusieurs instruments tels que des micros et des accessoires de théâtre étaient disposés sur les meubles et les armoires, il en déduit qu'il se trouvait dans une salle de théâtre. Bien sûr, il n'avait pas eu la logique de regarder sur l'étiquette à côté de la salle, dans le couloir, mais c'était quand même évident car il n'avait encore jamais vu de tenues de Jules César dans une salle de chimie.
Il y fit quelques pas, dont les bruits résonnèrent doucement à travers le vide de l'endroit, puis s'arrêta à une chaise près de la fenêtre sur laquelle il posa ses fesses. De son sac il tira sa console de jeux et l'alluma en soupirant, à la fois content d'avoir trouvé un endroit isolé, et triste d'être seul au fond de lui.

Sale méchant qui veut pas creveeeer >.<
Bon d'accord, nous savons que généralement les jeux de Nintendo DS ne sont pas intellectuellement complexes, mais là, Han Eul, pourtant très bon joueur depuis la sortie de la première version, galérait depuis plusieurs minutes avec ce boss. Y'avait toujours un truc pour les zigouiller, les boss, mais le truc, il fallait encore le trouver et pour le moment Papy Eulie n'avait pas encore comprit lequel, donc il s'excitait sur le petit écran en marmonnant des paroles inaudibles en chinois. Tiens, le chinois, parlons-en puisque nous y sommes. Le sang coulant dans ses veines étant partagé entre la Corée et la Chine, notre petit geek avait la chance d'être bilingue de ces deux langues. Il parlait bien sûr le coréen de façon plus experte, raison étant qu'il devait l'utiliser tous les jours, mais le chinois était quant à lui complètement maîtrisé depuis toujours. Bien souvent, lorsqu'il était tout seul ou quand il ne parlait avec personne, il pensait et se causait à lui-même dans cette langue, pour se rassurer et pour ne pas perdre l'habitude, aussi. Il n'y avait pas grand monde au courant de ce savoir, après tout ce n'était pas très important, mais parfois il se disait qu'avoir une conversation en mandarin avec quelqu'un d'autre pourrait être intéressant. Mais malheureusement les chinois ne couraient pas particulièrement les rues à Seoul, donc il gardait la chose pour lui. Encore un secret, pas méchant du tout je vous l'accorde, qu'il taisait par simple choix.

Ah yeeeees ~ Il avait enfin pu abattre le boss de son jeu, et c'est avec un sourire fier de lui qu'il rangea sa console. L'envie de jouer ne le prenait plus, à présent, et il se mit à observer la salle de classe dans laquelle il se trouvait. Elle était spacieuse, blanche (les murs donc xD), pas très bien rangée et sentait le bois. Il se demandait d'ailleurs pourquoi cette odeur régnait ici.

Il entendit des bruits de pas dans la salle, il n'était plus seul. Un noeud se créa dans son estomac et il déglutit, n'osant pas regarder de qui il s'agissait. C'était peut-être un emmerdeur, un serial killer ou un prof... Mais quand on le salua avec une voix qu'il connaissait plus que bien, Han Eul leva lentement les yeux pour rencontrer ceux de Na Yung, une très très bonne amie qu'il considérait comme sa soeur et qui savait tout de ses problèmes. Heureusement, à force de voir toujours les mêmes visage, il finissait par ne pas les oublier, mais il savait qu'elle, il avait mit pas mal de temps à l'enregistrer, à l'encrer dans sa mémoire si défaillante.
Elle lui accorda un sourire qu'il lui rendit en se mordant la joue, gêné de l'avoir prise, un peu plus tôt, pour un serial killer ou autre. Il était certain qu'elle n'en avait rien, et bien sûr il n'y avait vraiment que lui pour s'imaginer des trucs pareils.

« Salut, fit-il en se levant automatiquement pour être à sa hauteur. Ca va ? »

Baby Eulie se demandait bien pour quelle raison elle s'était retrouvée dans cette salle plus qu'insignifiante, mais ne posa pas la question car ce n'était pas très important. Na Yung étudiait, comme lui, la littérature, et donc, théoriquement parlant elle n'avait aucune raison de se trouver ici. Enfin, tant mieux pour lui car maintenant il n'était plus seul et s'en trouvait vraiment ravi.

Il tira une chaise vers la sienne et l'invita à s'assoire alors qu'il se réinstallait sur la sienne en s'étirant de toute sa longueur. Han Eul appréciait beaucoup la compagnie de Na Yung, il savait qu'il pouvait être plus bavard avec elle sans se sentir stupide après avoir parlé, et qu'elle ne dirait jamais rien pour le blesser, comparé à d'autres. Ce n'était pas une presque-soeur pour rien quand même.

« Il fait froid aujourd'hui, remarqua-t-il. C'est assez rare par ici pourtant... »